Les textes de la traversée écrits par Jean Lavigne
Traverser les Pyrénées
Ecrire une histoire
De bouts de sentiers
De crêtes idéales
Aux sommets d’enfer
De chaos affables
Aux pierres instables
Traverser les Pyrénées
Suivre un chemin
A pas tressés
A bout de souffle
Le cœur serré
Et dans le regard
Des rêves d’enfance
Traverser les Pyrénées
Dire avec les mots
D’une nuit étoilée
Le crachin d’une pluie
Dans l’ombre d’une brume
La rage d’un orage
Dans l’éclat d’un nuage
Traverser les Pyrénées
Partager avec les amis
Frangins et frangines
Compagnes et compagnons
Les larmes et les rires
Les colères et les joies
D’un bout de chemin
La haute chaîne s’invite
Celle de la grande dorsale
Des chaos de granit
Des mythiques 3000
Aux arêtes déchiquetées
Aux faces nord élancées
Montagnes sacrées
A tous les pyrénéistes
Anciens ou modernes
Vous avez rêvé
Et aimé la montagne
Ouvert les portes
Du pyrénéisme
Rempli des pages
De croquis et d’écrits
Mots de mains moites
Phrases de cœur battant
Récits de souffle coupé
Démons du vertige
Et du beau
Diables du partage
Et de la générosité
Anges des pluies glaciales
Et des instants chavirés
Votre sang chaud coule
A l’infini de nos rêves
Goutte à goutte
Regarder
La montagne jaillir
Esprit de la nature
Et du sacré
Ecouter
Le souffle du vent
Le bruit du torrent
Dans le silence de la nuit
Sentir
La blessure du pin
L’essence de la pierre
Dans le rayon de lumière
Lire
Au cœur du rocher
L’âme du sommet
Dans l’horizon infini
Marcher
A n’en plus finir
Comme un vagabond
Eperdu
Chemin originel
Au pli de la terre
Vertige du ciel
A l’écoute de l’homme
Oiseau de bas vol
Onde éphémère
A la vitesse folle
Cri de la pierre
A l’odeur de soufre
Du destin éclaté
Vent de glace
D’un chaos certain
A l’écho de la vague
Répond la montagne
Vieille mer usée
Sentes d’automne
Dans la bruyère en fleur
Les verts sont passés
La montagne est sèche
Violets de fin d'été
Bleu mer est l’horizon
Silhouette majestueuse
De l’Orhy défiant l’Aragon
Toute la montagne basque
D’une force légendaire
Aux pâturages sacrés
Passage aérien
Silhouettes concentrées
Premiers pas délicats
D’une belle étape
Elles avancent en rang serré
Harmonieusement
Méthodiquement
Artisanes des montagnes
Faiseuses d’espaces
Lames de couteaux
Finement aiguisées par l’eau
Le lapiaz, paradis du spéléo
Calvaire du randonneur
Déesse des montagnes
Sépulture heureuse
Des cœurs vaillants
De vies bien remplies
Gardienne bienveillante
De l’écho sacré
Des chants de l’Abérouat
Devant la masse sombre
Du géant lescunois
Ce matin à la Table
Nous sommes les rois
Le temps d’un réveil
A l’abri des aiguilles
Une fontaine discrète
De souvenirs insolites
De chants et de rondes
Autour d’un feu, sous un tipi
Mélanges des joies
De gamins et d’anciens
Traversant la frontière
Sentier de combattants
D’hommes et femmes libres
Fuyant les bruits de bottes
D’un pas rapide
Ils passaient de nuit
A l'ombre du Castillo
Plus jamais ça disaient-ils!
Vous avez maudit les dieux
Haïs leur pouvoir
Banni leur gloire
Ivres d’espoirs
Vous avez affronté l’abime
Envahis de vérité
Ecrit la générosité
Du sang versé
Vous avez tracé la voie
Rompu le silence
Tissé l’espérance
Dans la glace
Vous avez gravi la montagne
Maudit les temps durs
D'autres apparues
Plus ardues
Et dans votre pas
Fort et inébranlable
Le chemin infini
De la colère
Profondeur des contrastes
Des rouges vinés et verts sombres
Des pâturages de la Cuarde
Aux beiges pâles et délavés
Des ciels de l’Aragon
Magie des transparences
La traversée prend de l’élan
Entre dans la cadence
En vagues déferlantes
Excitant la soif de passer
En ligne de mire un itinéraire
Entre l'Ossau et le Peyreget
Des fourmis dans les jambes
Des envies plein la tête
Rien ne peut nous arrêter
Les cailloux de Soques
Cailloux de l'enfance
« Mais qu’as tu dans la tête?»
Lui, 3 ans très concentré
« Un caillou ! »
Lumières caressantes
Et intimes d’un petit matin
Dans l’épaisseur de la forêt
La remontée des faux cols
Aux traitres perspectives
Que de plaisir aujourd’hui…
La cabane des souvenirs
Des chocolats et vins chauds
Des après-midi pluvieux et brumeux
Quatre planches et quelques tôles
Des chanteurs amoureux
Et des conteurs rugueux
Une table et un poêle ronronnant
Autour de petites histoires pleines d’esprit
Montagnards aux souvenirs inoxydables
Où êtes vous passés ?
Tordus par la vie
Tordus jusqu’à la mort
De terre et de ciel
Ivres et enlacés
Ô Campo Plano
Où caches tu tes troupeaux ce matin
La Grande Fache et le Gavizo Cristail
Tes diables de crêtes et pics d'enfer
Et Gaurier le curé,
Quel paradis cherchait-il ici ?
De pierre et de rouille
Plantée dans l’éboulis
Sculpture primitive
Forme parfaite
Heure tardive
Orageuse et pluvieuse
Sombre et lumineuse
Un nuage passe
Et bientôt la nuit
Chemin d’une princesse
A l’élégance d'un ciel azuré
Non, pas notre chemin aujourd’hui
Dommage c'est si beau
Que diable Burajuelo!
Voici le grand canyon
Aux vires vertigineuses
Et précipices d’enfer
Ici le chemin côtoie le vide
Et oppresse le pas
Remontée austère des éboulis
Dans des brumes et nuages enjoués
L'éclaircie miracle ne viendra pas
Reste un beau sentiment de solitude
En attendant la foule de Goriz
Descente inoubliable
Entre pluie et glissade
Le ciel et la montagne
Nous tombent dessus
Perle géologique suspendue
Ancien chemin de mineur
Un passage vertigineux
D’une horizontalité parfaite
A la beauté d’un tracé
Dans le roulis de l’éboulis
Est partie sa vie
Sans un cri
Avec l’éclat de glace
Est partie sa trace
Et sa grâce
Au souffle ébréché
Le cœur a lâché
Sans regret
Au tonnerre de l’orage
Un éclair de rage
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